Depuis que nous avons la télévision à la maison,
nous prenons nos repas tous du même côté de la table,
comme dans la Cène de Léonard de Vinci.
Marcel Pagnol

Au Moyen Âge, on parlait de courtoisie, à la Renaissance, de civilité, au XIXe siècle, il s’agissait des bonnes manières et, depuis le XXe siècle, ces conventions, que l’on nomme savoir-vivre, démontrent que, de tout temps, l’humain se préoccupe des manières d’être en société. Érasme, prince des humanistes du XVIe siècle, en a même fait l’objet d’un petit ouvrage, intitulé La civilité puérile, dont les principales règles de politesse sont encore de mise aujourd’hui. Parmi ces règles, les manières de table constituent un terrain fertile pour la création et l’interprétation d’une danse qui mettrait en lumière tous ces petits gestes du quotidien à encourager comme à proscrire, visiblement glorifiés dans l’œuvre chorégraphique Le p’tit bal du chorégraphe français Philippe Découflé.

Dans un premier temps, pour entreprendre la démarche de création, l’enseignante ou l’enseignant invite les élèves à un questionnement sur des faits et gestes observés dans leur famille quand vient le temps de se réunir autour de la table pour partager un bon repas. Ce questionnement leur permettra de prendre conscience de certains traits caractéristiques de leur identité familiale. Pour compléter cette amorce, ils peuvent s’informer auprès de leurs parents et grands-parents sur les bonnes manières qu’eux-mêmes devaient respecter à table lorsqu’ils étaient petits ou consulter des œuvres publiées sur le sujet.

Dans un deuxième temps, guidés par l’enseignante ou l’enseignant, les jeunes comparent et mettent en commun les règles du savoir-vivre, issues d’autres cultures et d’autres générations, qu’ils ont répertoriées : le grand-père qui devait observer le silence tout au long du repas, la grand-mère qui se faisait reprocher de parler la bouche pleine, les Japonais encouragés à faire du bruit en mangeant leur soupe aux nouilles, etc.

Dans un troisième temps, ils choisissent, en équipes, un invité issu d’une autre culture ou d’une autre génération qui partagera un repas avec eux. Ils déterminent le rôle que chacune ou chacun devra jouer autour de la table. Ils expérimentent alors des combinaisons d’actions non locomotrices et de gestes du quotidien pour créer un dialogue chorégraphique d’ici et d’ailleurs ou d’hier à aujourd’hui. Ils procèdent ensuite à des ajustements pour finaliser leur création, qu’ils devront interpréter de manière à mettre en valeur les particularités distinctives qu’ils auront observées. Ils réalisent ainsi qu’une suite de gestes minimalistes et d’actions non locomotrices peut, à elle seule, constituer une danse.

Quoi de mieux, pour comprendre qui l’on est, que de constater qui est l’autre? Cette activité permettra aux élèves de porter un regard sur certaines habitudes familiales. Ils prendront conscience que, malgré les similarités des rites autour de la table, des différences sont notoires entre ici et ailleurs, et que des changements se sont opérés d’hier à aujourd’hui.